C’est cet automne que voyait le jour la deuxième édition du programme de prévention Groupe de réflexion sur les drogues (GRD2). Entrevue avec Richard Desormeaux, responsable transversal en toxico au Programme Jeunesse du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, qui participe depuis le début au développement du GRD et qui perçoit incontestablement l’impact du programme sur le mieux-être des jeunes.

Quel est l’objectif du Groupe de réflexion sur les drogues ?

Le programme Groupe de réflexion sur les drogues (GRD) existe depuis plusieurs années au CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal. C’est un programme de prévention, il s’adresse donc aux jeunes qui consomment des substances psychoactives, mais qui n’ont pas nécessairement des problématiques liées à la consommation.

L’objectif, c’est d’ouvrir avec eux une discussion sur les impacts de la consommation dans leur vie, qu’ils soient positifs ou négatifs, et de les accompagner dans leur mieux-être, à travers les changements qu’ils peuvent faire pour avoir moins de difficultés.

De quelle façon ces discussions suscitent-elles ensuite une prise d’action?

Le programme repose entièrement sur la motivation du jeune à nommer lui-même certaines sphères de sa vie qui sont moins satisfaisantes pour lui et où la consommation est nuisible; ce peut être au niveau de la relation avec ses parents, du manque de contrôle sur son budget ou de ses comportements sous influence qui sont à risque.

Ensuite, c’est à lui de choisir d’y changer quelque chose ou pas. S’il n’est pas prêt pour du changement, notre accompagnement ne doit pas être perçu comme un échec, mais comme le premier pas d’un processus qui apportera peut-être un changement plus tard dans sa vie. En ce sens, le programme devient un catalyseur qui permet aux intervenants d’utiliser beaucoup de situations du vécu partagé et de faire des liens avec les notions apprises dans les activités de groupe, et c’est la chance que nous offre notre travail; celle de vivre avec les jeunes.

Comment un jeune peut-il participer au programme ?  

On procède à un processus de détection et d’évaluation des besoins dès qu’un jeune nous exprime une expérience de consommation ou dès que l’on prend conscience qu’il est en contact avec la consommation. La détection permet de situer le jeune dans la typologie des différents consommateurs et quand nous avons un groupe significatif de jeunes qui ont une problématique de consommation en émergence dans une unité, le programme est mis en place.

Selon toi, qu’est-ce que les jeunes apprécient particulièrement de l’intervention de groupe ?

L’intervention de groupe est un élément extrêmement important du programme, en ce sens où l’on ne vise pas une présentation d’informations au cours de laquelle les jeunes sont passifs. Au contraire. On discute de plusieurs sujets que l’on rattache aux substances et aux modes de consommation, comme les zones de satisfaction et d’insatisfaction de la vie et les compétences sociales par exemple, tout en privilégiant un contexte de partage et de réflexion entre les jeunes.

Ce que j’ai observé quand j’ai moi-même animé le programme, c’est que les jeunes en viennent à avoir hâte à l’activité en groupe. Les jeunes apprécient le fait d’avoir un espace pour exprimer ce dont ils ont envie, librement, et sans y être obligés non plus. Ce qui est important de souligner, c’est que le programme qualifie la participation du jeune selon sa présence, et non en fonction de ce qu’il exprime, ce qui signifie que même si un jeune ne partage rien en activité de groupe, il entend les autres et cela est positif en soi.

Ensuite, on n’a pas peur de parler de la notion de plaisir parce qu’il est possible que parmi les raisons pour lesquelles le jeune consomme, il y a aussi celle d’avoir du fun, celle de pouvoir aborder plus facilement les gens, ou de se faire accepter dans un groupe. Et quand on ouvre d’abord la porte à ce qu’eux considèrent comme un avantage lié à la consommation, c’est plus facile ensuite d’aborder les désavantages. Il y a une plus grande ouverture chez les jeunes, et je pense qu’ils apprécient qu’on fasse confiance à leur capacité de bien prendre en considération les deux volets de la médaille.

Faut-il avoir un profil particulier pour animer le Groupe de réflexion sur les drogues auprès des jeunes ?

Dès que tu es habileté à travailler en relation d’aide, tu es habileté à animer le programme. Cela dit, pour animer efficacement le programme il est primordial d’être à l’aise avec son approche, qui est la réduction des méfaits. On doit aussi être à l’aise avec l’un des concepts faisant partie intégrante de cette approche, la tolérance. Le concept de tolérance ne signifie pas que l’on doive tolérer le comportement de consommation ou cautionner la consommation, mais bien que l’on sache tolérer l’écart entre sa perception sur ses habitudes de consommation et nos propres valeurs, afin de poursuivre l’accompagnement malgré les visions différentes.

En ce sens, les prérequis pour pouvoir animer le Groupe de réflexion sur les drogues se situent davantage au niveau des schèmes relationnels. Cela demande à l’intervenant une bonne compréhension de la posture qu’il doit avoir à travers l’animation.

La 2e édition du programme est maintenant disponible, à la suite d’une collaboration entre Boscoville, le CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal et l’Université de Montréal. En quoi est-elle différente de la 1re version ?

Je dois d’abord souligner que cette 2e version est pour moi le reflet d’une collaboration très réussie. Lorsque plusieurs organisations travaillent ensemble, il n’est pas toujours facile de délimiter les rôles précis. Dans notre contexte, j’ai senti une grande ouverture de part et d’autre.

Concernant les changements, il y a d’abord la facture visuelle des outils, comme le guide d’animation par exemple, qui a été complètement revue.

Ensuite, un atelier est ajouté au programme, pour un total de neuf, ce qui permet d’offrir aux jeunes des ateliers hebdomadaires qui sont plus courts. Dans le guide, chaque atelier comporte maintenant des messages clés que l’animateur doit communiquer aux jeunes, dans le but de leur fournir des informations justes et exactes en lien avec la thématique abordée. Ces messages clés peuvent ensuite être repris sous forme d’exercices, comme un quiz, pour permettre l’assimilation des connaissances.

Il y a également plus de prévisibilité dans cette nouvelle version, qui prévoit systématiquement deux activités par atelier, alors qu’avant le nombre variait d’un atelier à l’autre et que les activités étaient parfois optionnelles, parfois obligatoires. Cela représentait un défi de plus pour l’animateur, qui devait constamment s’adapter.

Finalement, pour assurer une continuité dans la généralisation des acquis chez les jeunes, une activité individuelle, à faire entre les séances, a été rajoutée. Elle offre au jeune l’opportunité d’ouvrir un partage et une discussion avec son éducateur de suivi ou un autre adulte significatif à ses yeux.

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